Thérapies et nouvelles approches : le regard d'Hervé Montès

“Ce n’est pas trouver la cause d’un souci qui le résout, il faut mettre des actions en place.”

Hervé Montès, psychiatre et psychothérapeute, ex-Président de l’Association Française de Thérapie Comportementale et Cognitive (AFTCC), exerce depuis plus de 25 ans. Plus de deux décennies durant lesquelles il a vu évoluer l’approche de la thérapie en France et à l'international. Un parcours riche et un regard aiguisé sur la thérapie de nos jours. La place des TCC, l'émergence du numérique dans la thérapie, le développement des nouvelles approches thérapeutiques… Hervé Montès nous livre ses connaissances et ses ressentis sur ces sujets passionnants.

Bonjour Hervé. Pour partir sur de bonnes bases, pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste une psychothérapie ?

«La psychothérapie, c’est simple, c’est le fait d’aborder un changement. Comment ? Face à une situation donnée, on identifie les freins (une difficulté à gérer son argent, du mal à dire "non", un malaise vis-à-vis des autres, par exemple). Puis, à travers la parole, la réflexion, des exercices, parfois de la confrontation, on va engendrer un changement profond chez la personne, qui va venir lever ces freins.»

Vous êtes psychiatre et psychothérapeute, pouvez-vous nous expliquer la différence ?

«Quand on parle de "psychothérapeute", il ne s’agit pas d’un métier mais d’une appellation. Il y a 10 ans de cela, chacun pouvait se dire psychothérapeute. Pour protéger les patients et mieux encadrer la profession, la loi française a mis en place l’appellation protégée "psychothérapeute". Ce titre est délivré par la Haute Autorité de Santé sous certaines conditions.

Pour être psychologue, il faut revendiquer un master de psychologie. Les psychologues ne sont donc pas des médecins, au contraire des psychiatres. La psychiatrie, est une spécialité médicale, axée sur le fonctionnement mental et les troubles du fonctionnement mental.

Personnellement, en tant que psychiatre et psychothérapeute, je dresse des diagnostics et, en fonction, je propose des traitements pharmacologiques, chose que seuls les médecins peuvent faire et/ou des traitements psychothérapeutiques, par la parole.»

Quels types de problèmes la psychothérapie peut-elle traiter ?

«La psychothérapie peut intervenir dans deux cas de figure :

Premièrement, les troubles psychologiques : phobie sociale, anxiété généralisée, timidité excessive, dépression, stress post-traumatique, addiction… en bref, presque l’ensemble des troubles mentaux. Dans certains de ces cas, on peut utiliser la psychothérapie seule, ou bien l’associer à de la pharmacologie. Mais ce n'est pas une obligation, au contraire ! Par exemple, le trouble panique avec agoraphobie est la première cause de consultation dans le monde. Et bien face à ce type de troubles, une approche en psychothérapie via les TCC est plus efficace qu’un traitement médicamenteux et prévient mieux les rechutes.

Ensuite, la psychothérapie peut intervenir sur toutes les difficultés du quotidien : sommeil, confiance en soi, relations sociales, etc. On s’intéresse à tout ce qui va toucher au regard que l’on porte sur soi, sur le monde, ou sur soi dans ce monde. Concrètement, on traite les dysfonctionnements du quotidien, qui ne sont pas nécessairement dramatiques, mais qui non-traités peuvent amener à des troubles psychologiques.»

Dans quel cas de figure peut-on ou doit-on consulter un thérapeute ?

«Quand on en ressent le besoin, quand on fait le constat que quelque chose ne fonctionne pas. C'est une interprétation très personnelle. Prenons l’exemple d’une personne qui a du pouvoir dans sa vie professionnelle, et qui utilise la colère pour se faire entendre. Elle n’ira pas consulter, car elle se fait entendre : pour elle, tout va bien. Mais si par la suite, elle réalise qu’il y a des conséquences négatives à sa colère dans sa vie personnelle, elle peut avoir envie de consulter pour améliorer sa relation avec les autres. Ainsi le choix de vouloir changer dépend du contexte. Dans cet exemple, il n'y avait pas de problème pour cette personne dans le cadre professionnel, mais davantage de difficultés dans le domaine personnel.

Parmi les autres cas de figure qui peuvent pousser à consulter, il y a les coupures dans le mode de vie, ou encore, la volonté de changer.

Pour résumer, notre rôle de thérapeute est d’accompagner le changement, d’éviter qu’un patient ne reste coincé dans une situation qui ne lui convient pas.»

Quelles sont aujourd’hui les méthodes de psychothérapie les plus utilisées ?

«En France, la psychanalyse est encore la méthode la plus courante. Les enseignants en faculté de psychologie enseignent essentiellement cette approche comme méthode thérapeutique. Dans les autres pays du monde, à l’exception de l’Argentine qui a le même héritage historique, les thérapies les plus pratiquées sont les Thérapies Cognitives et Comportementales car elles sont très efficaces, et c’est prouvé par la science.

En France, on s’attache à rester dans la tradition, et c’est dommage. En 2004, l’Inserm a publié un rapport qui met en évidence l’efficacité des TCC face au manque d’efficacité de la psychanalyse. Mais sous la pression des psychanalystes, majoritaires en France, ce rapport a été enterré. La psychanalyse continue donc de prévaloir. Pour combien de temps encore ?»

Vous avez été président de l’Association Française de Thérapie Comportementale et Cognitive (AFTCC), pouvez-vous nous expliquer la différence entre les TCC et les autres formes de thérapies ?

«Déjà, l’efficacité prouvée scientifiquement des TCC est la différence absolue. Alors que ce n'est pas le cas de la psychanalyse par exemple.

Ensuite, les TCC se caractérisent par une approche différente : au lieu de se demander "pourquoi le problème est apparu ?" on va se demander "pourquoi le problème ne s’est pas arrêté ?".

Prenons l’exemple des victimes d’agressions. Certaines se remettent très vite, quand d’autres en souffrent encore des années après. Idem pour les troubles obsessionnels compulsifs, certains les surmontent, d’autres n’y parviennent pas. Avec les TCC, nous essayons de comprendre pourquoi ces personnes rencontrent toujours des difficultés, et les aidons à les surmonter.

Pour cela, nous travaillons à restructurer les schémas négatifs de pensées, en déconstruisant de fausses croyances et en les remplaçant par des idées plus positives, ainsi qu'à la mise en action concrète, c'est-à-dire ce par quoi il faut commencer pour améliorer sa situation.»

Dans ce sillon des TCC, on voit apparaître des approches multiples et variées : EMDR, ACT, mindfulness… Quel regard portez-vous sur ces nouvelles méthodes ?

«Toutes ces méthodes sont intégrées dans les TCC, car elles en découlent. Les TCC se découpent en trois vagues : comportementale, où l’on va étudier le comportement pur ; cognitive, où l’on va ouvrir la boîte noire et tenter d’en comprendre et d’en démêler le contenu ; émotionnelle, qui comprend des approches comme la mindfulness (Pleine concscience), ou l’ACT (thérapie d’acceptation et d’engagement).

Ensuite, il y a aussi l’EMDR (initiales en anglais de Eye Movement Desensitization and Reprocessing) qui est un cousin des TCC, avec un processus alliant comportemental et émotionnel. Toutes ces méthodes peuvent aller de pair et viennent étendre notre capacité à adapter nos accompagnements à la demande.»

Pensez-vous que ces nouvelles approches font évoluer le rapport entre le patient et le thérapeute ?

«Dans les TCC, nous cherchons à développer l’accueil, créer de la chaleur, de l’authenticité, de l’empathie. Il y a une collaboration active d’emblée, on forme un duo avec le patient, expert de ses troubles, et nous, experts de la psychologie.

C’est un élément fondamental des TCC, on parle d’alliance thérapeutique. En ce sens, je trouve que ces différentes méthodes viennent appuyer cette approche, ce qui est une bonne chose.»

Quel avenir pour les psychothérapies ? Quelles sont les pistes actuelles de progrès, les dernières avancées ?

«Chaque thérapie améliore sa façon de faire. On travaille de plus en plus sur les schémas de vie, qui font que les personnes reproduisent systématiquement les mêmes erreurs.

En parallèle, les outils digitaux offrent un bel avenir en permettant aux thérapeutes de se constituer un arsenal de choix pour accompagner leurs patients. Je pense notamment à la réalité virtuelle qui prend doucement sa place dans les cabinets.

Les thérapies assistées par la technologie me paraissent être une belle piste de progrès également. Je pense qu’à l’avenir, beaucoup de programmes vont se mettre en place, à l’image de MindDay, et vont permettre de rendre accessible la psychologie au plus grand nombre, par de la psycho-éducation et des outils d'auto-thérapie.

Je pense aussi que le développement de l’intelligence artificielle dans ce domaine peut être très prometteur, afin de s’adapter au mieux à la demande.»

Est-ce pour ces raisons que vous avez co-fondé MindDay ?

«Je vois MindDay comme l’opportunité d’apporter une aide psychologique à ceux qui n'ont pas accès à un accompagnement. Soit parce qu’elles habitent loin, soit parce qu’elles ont peu de temps disponible, ou parce qu’elles ne sont pas sensibilisées, ou qu'elles n'en ont pas les moyens.

On le voit, la plupart des patients en consultation classique sont relativement aisés, disposent de temps et de connaissances autour de la santé mentale. Je pense qu’innover en créant de nouveaux chemins d’accès aux soins, par une application comme MindDay, c’est la chance de s’adresser au plus grand nombre.»

Pour conclure cette interview, quel serait le conseil que vous donneriez à nos lecteurs pour prendre soin de leur santé mentale au quotidien ?

«Je conseillerais de prendre un temps le soir, avant de s’endormir, pour penser à 5 bonnes choses qui se sont produites dans la journée. Il ne s’agit pas nécessairement de choses extraordinaires, mais de petits bonheurs du quotidien. Par exemple : l'appel d'un ami, un collègue qui vous offre un café, le mot drôle d'un enfant, un compliment, un rayon de soleil, etc.

Cet exercice, que l'on peut qualifier d'hygiène mentale, va avoir des conséquences positives : améliorer la qualité du sommeil, augmenter notre optimisme et nous inviter à accorder plus d'attention aux choses qui nous font du bien au quotidien.»